Nicolas Giuseppone, professeur à l’Université de Strasbourg, et son équipe de recherche à l’Institut Charles-Sadron du CNRS présentent un tout nouveau moteur moléculaire synthétique capable d’emmagasiner de l’énergie mécanique.
Telles les machines de taille classique, leurs analogues moléculaires sont des systèmes capables d’absorber de l’énergie, par exemple lumineuse, pour ensuite la restituer de manière utile, instantanément ou ultérieurement, via un travail mécanique. Le monde du vivant regorge de milliers de ces moteurs moléculaires qui coupent, déplacent, synthétisent des éléments biologiques. Un des exemples les plus caractéristiques de cette mécanique cellulaire est l’ATP synthase : une gigantesque enzyme rotative qui produit de manière très efficace la molécule d’ATP, source d’énergie dont tous les organismes vivants ont besoin pour vivre.
Mimer la mécanique moléculaire du vivant
Le défi pour les scientifiques réside dans la capacité à mimer cette mécanique très complexe à l’aide de petites molécules de synthèse. Telle est l’aire de jeu des scientifiques qui travaillent dans le champ de la mécanique moléculaire dont l’objectif est de créer des machines et des moteurs à l’échelle de la molécule unique – un domaine de recherche mis sous le feu des projecteurs en 2016 lors de la co-attribution du prix Nobel de chimie à Jean-Pierre Sauvage.
Nicolas Giuseppone, professeur à l’Université de Strasbourg, et son équipe de recherche à l’Institut Charles-Sadron du CNRS présentent un tout nouveau moteur moléculaire synthétique qui s’apparente à une toupie à corde. La force de ce nouveau système : sa capacité à enchainer des cycles permettant d’emmagasiner de l’énergie mécanique pour la restituer de manière réversible sous forme d’une transformation chimique. Ces travaux ont été publiés le 23 mai 2022 dans la revue scientifique Journal of the American Chemical Society (JACS).
Un nouveau moteur réversible inspiré d’un jouet pour enfants
En bouclant deux chaines d’oligomères sur un moteur rotatif activable par la lumière à l’échelle de seulement 1 nm, les chercheurs ont démontré que ce moteur pouvait enrouler les chaines polymères et que l’énergie mécanique emmagasinée dans ces torsades permettait au moteur de tourner ensuite en sens inverse en effectuant une transformation chimique de haute énergie pour revenir à son état initial, créant ainsi des cycles d’enroulement et de déroulement. Le principe de fonctionnement de cet appareil moléculaire motorisé s’apparente à celui macroscopique de la célèbre toupie à corde utilisée par les enfants.
Ce système simple et innovant montre comment il est possible d’utiliser ces moteurs pour stocker une grande quantité d’énergie mécanique, par exemple à partir d’une source de lumière, et pour ensuite la restituer de manière utile, par exemple pour permettre une transformation chimique de haute énergie.
Schématisation du moteur moléculaire inspiré d’une toupie à corde
Référence :
Light–driven molecular whirligig | Chuan Gao, Andreas Vargas Jentzsch, Emilie Moulin and Nicolas Giuseppone DOI : 10.1021/jacs.2c02547